Cours Théorique n°1 : Level-design adapté à un RPG classique
Ce cours n’entend pas vous inculquer tout ce qu’il y a à savoir quant au level-design d’un RPG classique, loin de là. Il va cependant aborder quelques conseils importants, en les illustrant et appliquant à RMVX. Plus que de « mise en scène interactive », nous aborderons les notions d’architecture des niveaux et de logique de conception.
RPG classique ? Koissa ?Par RPG classique, ici, j’entends un RPG à combats aléatoires tour par tour, ne proposant pas d’intéraction poussée avec la map. Pour vous citer des jeux qui se prêtent à cette description, nous pouvons parler de Final Fantasy (les premiers), ou encore de Suikoden ou Dragon Quest.
La définition de RPG classique est assez floue et pas universelle, donc vous savez à présent de quoi il est question ici.
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1.Level-design urbainLe level-design est différent quand il s’agit de zones urbaines, ou de zones sauvages dites « donjons ». Certes, il existe des « donjons urbains » mais passons, leur conception n’est pas vraiment différente de celle des donjons sauvages.
Lorsqu’il s’agit de level-design de zone d’exploration libre (dans les jeux, il s’agit souvent des villes), nous pourrions de séparer deux parties. L’extérieur, et les intérieurs. L’extérieur est une architecture globale, qui est le point d’accès à tous les intérieurs. Les deux sont construits de manière différente donc. Ceci dit, comme les règles que je vais énoncer sont valables dans les deux cas, nous n’effectuerons pas cette séparation. C’est parti.
*Première règle : Gérer le champ de vision du joueurC’est une chose à laquelle on pense malheureusement trop peu souvent. En effet, le joueur n’aura pas la même vision que vous en mappant. Son écran de jeu est un 544*416, et pas plus. Alors, si votre map, vue de l’éditeur vous semble bien construite… ce ne sera pas forcément évident pour lui. Peut-être qu’en fait, du point de vue de la jouabilité, elle est mal construite.
Exemples en images :Voici une map en vue éditeur : elle est jolie, les chemins sont tracés, tous les éléments de level-design visant à guider le joueur sont présents. On a fait du bon boulot !
Ah oui ? Voila ce que ça donne in-game.
La construction globale a entièrement disparue. Adios le town-design sur lequel vous avez perdu du temps, il reste dans l’éditeur, car le joueur, ne verra pas assez d’éléments en même temps pour se le représenter. Oh bien ma capture in-game est loin d’être horrible, grace à la présence de directrices simples (les chemins de terre), le joueur ne sera pas perdu. Notre level-design n’est donc pas complètement raté. Mais notre travail de construction et d’esthétique en prend un coup par contre.
Pour empêcher ça un seul conseil : pensez au champ de vision du joueur PENDANT que vous mappez. Cela vous conduira, le plus souvent à « resserrer » vos maps (dans la mesure du raisonnable ; n’allez pas compacter ça à l’extrême non plus !).
*Seconde règle : fermer les zones intelligemment / signifier les passagesReprenons cette map. Quels sont les moyens que j’ai employés pour fermer la zone et signifier les sorties ? Des barrières. Oui chacune de vos maps doit être bordée de barrières. Pas forcément au sens propre. Cela peut être des arbres, de l’eau, des reliefs, des bâtiments, qu’importe. L’important est que le joueur n’ai pas accès aux « bords » de la map. Ou qu’il n’y ait accès que dans l’optique des modules, à savoir : les zones de transition, les « téléports » comme un dit sur RM. Ici, vous remarquez donc, indiquez par les trois flèches grises, les modules de sortie du village. Ils sont les seuls endroits où le joueur pourra entrer en contact avec le bord de la map, et pour cause : il va en sortir.
Enchaînons sur le les passages à l’intérieur de la map. Les flèches rouges. Elles sont ici les directrices. Chaque flèche est justifiée par un petit élément visuel qui indique au joueur « qu’il y aura quelque chose à voir de ce côté ». Ici, on a fait ça de la manière la plus simple possible : la direction des chemins de terre, et les ponts. Cela semble logique, mais beaucoup ne le font pas, alors il valait mieux en parler.
*Troisième règle : pousser à l’explorationPas d’images ici, les mots suffiront. Il existe divers moyens de pousser le joueur à explorer, même en zone urbaine. Vous pouvez placer des objets à « fouiller » par exemple. Ou cacher des coffres. Cela incitera le joueur à parcourir la totalité de vos environnements afin de découvrir ces éléments. Si vous êtes bons, vous pourrez utiliser ces éléments comme appâts. Ainsi, en s’approchant d’un coffre caché par exemple, le joueur pourra déclencher une cut-scène facultative, ou je ne sais quoi d’autre.
*Le piège à éviter : attention aux mouvements aléatoires des PNJEnfin, bien sûr, le GROS piège à éviter, et dans lequel la plupart des makers tombent, il concerne les PNJ. Placer vos PNJ en mouvement aléatoire, afin qu’ils aient l’air « occupés » et animent les lieux, c’est pas mal. Mais il faut les limiter. Sans quoi on se retrouve dans des situations embarrassantes, comme ceci :
>Ce PNJ va nous faire chier.Voici deux solutions qui vous permettront d’éradiquer ce problème :
- Pour RMVX:
Mouvements aléatoires limités, par vincentmhd ou
Remplacement de positions, par S4suk3.
- Pour VX.Ace:
Déplacements aléatoires limités, par Tiroflan ou
Remplacement de positions, par S4suk3.
Avec ça en main, vous n'avez plus d'excuses!
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2.Level-design de donjonsNous ne ferons aucune nuance entre intérieurs et extérieurs pour les donjons non plus, car elle n’est pas importante. Que vous soyez en train de concevoir le flanc d’une montagne ou l’intérieur d’une grotte, les conseils seront les mêmes.
*Première règle : pousser à l’explorationLe principe d’un donjon est de proposer du challenge. Qui dit challenge dit difficulté, ou simulacre de difficulté. Par conséquent, il ne faut pas tout mâcher au joueur. Bien sûr, il y a les combats, mais oublions-les. Parlons plutôt des espaces, des lieux. Tous ceux qui auront joué au dernier bébé de Square Enix (je parle de FF13) auront pu déplorer l’absence totale de liberté dans les déplacements. On suivait des couloirs. Impossible de se tromper de route, Ce n’était même pas « tous les chemins mènent à Rome » mais plutôt « on n’accède à Rome que par une seule route ». La règle que j’énonce ici est de briser cette monotonie. Nous allons donc pousser le joueur à l’exploration. Comment faire : plusieurs chemins. Il peut y en avoir plusieurs de bons, certains peuvent être des culs de sac, et pour finir, d’autres qui mènent à une récompense pour le joueur attentif. Ce dans l’unique but de donner au joueur l’impression que ses choix ont une incidence : je prends le temps de visiter en profondeur : je serais récompensé.
*Seconde règle : bien répartir les power-up, et les check-point s’il y a lieuC’est un conseil simple : ne placez pas vos coffres ou points de sauvegarde au hasard.
Pour les points de sauvegarde, le mieux est d’en placer aux « points centraux ». Cela permet une avancée dans le donjon par phase. Bien sûr, cela n’entre en compte que si vous créez un jeu dans lequel la sauvegarde n’est pas accessible à tout moment. Quoique, ces checkpoints peuvent être des points de soin !
Enfin, pour les power-ups et leur répartition, pensez à les répartir par rapport à la logique du donjon. En présence de monstres qui peuvent empoisonner : offrez des antidotes. En présence de monstres insensibles aux attaques physiques : offres de objets de récupération du mana ou des parchemins d’attaque. Bien sûr, le joueur n’est pas forcé de les utiliser, et s’il ne le fait pas, il ne se rendra pas compte que « vous lui filez un coup de main ». Mais s’il est en mauvaise posture, ça pourrait lui éviter un game over. Il appréciera soyez-en sûr (oui car on le répètera jamais assez, le but n’est pas que le joueur perde, le but est seulement qu’il ne gagne pas « trop facilement », ce qui est fondamentalement différent !).
*Troisième règle : annoncer le bossCette règle va de pair avec la précédente, car elle concerne les checkpoints.
Dans un jeu, les boss ont pour principe d’être relativement coriaces. Le joueur s’expose à une défaite. Plus probable que contre un mob lambda. Par conséquent, il est important de lui laisser la possibilité de se préparer. L’annonciation d’un boss est relativement simple qui plus est : cela peut être implicite (on fait monter la tension, on arrive dans une zone où il n’y a plus de rencontres aléatoires, les décors sont grandioses et relativement symétriques), ou explicite (discussion avec les membres de l’équipe, cut-scène pré-boss, apparition de celui-ci à l’écran sans lancer le combat immédiatement et en laissant le joueur aller à sa rencontre lui-même…).
Et donc, revenons-en aux checkpoints : placez-en INVARIABLEMENT avant chaque boss. Un point de sauvegarde si la sauvegarde n’est pas possible à tout moment, et un point de soin, dans tous les cas.
*Quatrième règle : Les deux premières règles du level-design urbain s’appliquent également ici ! Je ne prends pas la peine de les détailler une seconde fois : cf. plus haut si vous les avez déjà oubliées !
*Cinquième règle : Appâts et piègesNous parlions il y a peu du challenge. Les donjons, c’est l’endroit rêvé pour être sadique. Appâter le joueur, et le piéger. Seulement, il faut faire ça de manière correcte. Deux points à respecter :
- Le joueur est récompensé s’il déjoue le piège (pouvoir continuer sa route, accéder à un coffre…etc)
- Les pièges ne sont pas mortels. Ou du moins pas trop vite. Le coup du « Oh une trappe haha t’es mort ! => Charger partie) c’est vraiment la dernière chose à faire. Le mieux est de multiplier les pièges, de donner au joueur un moyen de les pressentir et donc de les éviter (il y a tellement de moyens de faire ça que je m’en remets à votre imagination), afin qu’ils puissent être mortels « à long terme ». Le joueur trop peu attentif qui ne sait pas les déjouer va perdre oui. Celui qui est tombé dans le piège une ou deux fois, il sera juste « affaibli ».
*Le piège à éviter : le labyrintheTiens on parlait de piège ya pas trois lignes, et là je vous montre lequel éviter en tant que maker, si c’est pas marrant les coïncidences !
Bref, la première règle que j’ai énoncée consistait à pousser le joueur à l’exploration en lui offrant plusieurs possibilités. C’est vrai. Mais sans abuser, sans quoi votre donjon va se retrouver avec un plan d’ensemble tout droit issu d’une map de Pacman !
Les images parleront mieux :
>Bon ! Deux chemins en plus de là où on vient. En admettant que l’un des deux chemins permette lui aussi un choix entre deux routes encore, cela encourage à l’exploration, sans abus.>Mauvais ! On peut compter là…7 issues en plus de l’entrée ! C’est beaucoup trop, surtout pour une map aussi petite. Si elles sont toutes comme ça moi je ferme la fenêtre du jeu au bout de cinq minutes.J’ai fini ! Une petite conclusion s’impose.
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ConclusionTous ces éléments sont expliqués en rapport à un RPG classique, mais ils sont facilement compréhensibles et réutilisables pour votre gameplay, car derrière les exemples se cache une chose toute bête : un peu de logique !
J’espère donc que ce cours, moins technique que le précédents cela va sans dire, moins « pro » aussi, saura vous aider dans le making, car au final, c’est ça le but.
AnnexesPour ceux qui s’intéressent aux théories de level-design appliquées à des jeux pros, ou à des articles plus brefs que mes cours, je vous invite à consulter les écrits de Choco-sama, qui sont très instructifs ! Pour les lire, c’est par ici :
Annexe1: Analyse du level-design de Mystic Quest Legend (NES), Annexe 2 : Erreurs fréquentes de level-design.