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| Sujet: [Duel n°44] Raymo vs. Nusenism Dim 22 Jan 2012 - 22:42 | |
| - Citation :
Raymo vs. Nusenism Type de création: Écriture Thème: Le Nouveau Monde Format: Texte inachevé Délais : indéterminé - Participation 1:
Un train pour l'espace
News-Matin Editorial : Un train pour l’espace Par Adly Hender
Elyëterra, le 25 novembre 1872, 23h50
L’aventure commence ! Et c’est le cœur empli de bonheur que votre serviteur Adly Hender (moi) va prendre part à l’événement majeur de l’année. Je signe donc ici ma dernière chronique dans News-matin en tant que rédacteur en chef de notre beau journal. La TTC, compagnie d’état gérant les différentes voies ferrées du pays, m’a fait un immense honneur, la semaine dernière, en me proposant de participer au premier essai du RST1 (Rocket Space Train), le train spatial qui reliera Elyëterra, à 300km à l’ouest de la capitale Cennepiu, aux nouveaux bourgs des colons de la plus grosse lune de notre planète. Ce train sera la gloire de notre pays, et la preuve de notre supériorité industrielle et technique sur les pays du vieux continent, l’Union Alléniame en tête, qui, forte de son monopole spatial maritime et de son immense empire colonial, a négligé gravement le développement du train interstellaire, qui pourtant s’affirmera comme incontournable dans les années à venir.
La volonté du gouvernement, et du président Linnyo Edelfil de s’approprier les terres encore vides ou peuplées de tribus extraterrestres de la proche couronne s’inscrit dans un projet de longue date évoqué pour la première fois par Geharg Massiltol, premier président depuis l’indépendance gagnée face à l’Union Alléniame. Ce projet consiste en la maîtrise et l’appropriation de l’espace spatial continental proche, que l’on appelle communément chez les colons le Far Space. Il est évident que la politique actuelle, restreignant toutes interventions sur le Vieux Continent, favorisant l’envoi de colons sur les lunes voisines et fournissant de très importantes subventions à la TTC, s’inscrit dans cette démarche à long terme.
La bourse de Cennepiu a très bien accueilli la nouvelle de l’ouverture de la ligne, étant donné que le cours de l’action TTC (TchouTchouCompany) est monté de 5% en une journée. Pas de doute que si le premier voyage est un succès, le cours de l’action connaîtra une nouvelle envolée encore plus significative.
Cependant, il me paraît encore difficile d’atteindre la prospérité économique de l’Union Alléniame en ne développant que le transport spatial terrestre, qui, je le rappelle, ne peut s’effectuer que dans les régions de l’espace non recouvertes d’éther (dans le cas de région d’éther, le transport est alors spatial maritime), étant donné que l’éther recouvre près de 80% du volume de l’espace proche. Il est donc nécessaire de coupler cette politique terrestre à un développement spatial maritime rapide, non seulement afin d’atteindre toutes les zones de l’espace proche, mais aussi afin de se prémunir d’une guerre probable avec l’Union Alléniame ou l’Estria, qui contrôle encore les terres au sud du pays. Terres qui, à terme, doivent revenir à un pays souverain du continent et non pas à un empire colonial.
Enfin, advienne que pourra, comme le dit le dicton, et, avant de regarder avec convoitise vers l’étranger, commençons par constater si ce train fonctionne ! Je tiendrai un journal quotidien des événements et publierai au retour le récit de ces aventures qui s’annoncent, je l’espère, palpitantes !
Elyëterra, le 26 novembre 1872, 8h30
Je viens d’arriver en gare d’Elyëterra. Le bâtiment a été créé de toutes pièces uniquement pour la ligne spatiale. C’est un ouvrage moderne, fait de pierres, bien sûr, mais aussi en grande partie d’acier, de cuivre et de bronze. D’immenses panneaux de verres recouvrent le plafond du bâtiment, scellés à des tenants d’acier. C’est un beau bâtiment, bien évidemment, mais je ne réussis pas y trouver quelque chose de particulièrement nouveau, les grandes gares non spatiales des pays du Vieux Continent, et en particulier de Prays, la capitale de la république fartienne, y ressemblant beaucoup. Cela n’en reste pas moins un bel ouvrage d’art, avec, sur la devanture, une horloge magistrale qui m’informe justement qu’il est huit heures et demie.
Bien que le train ne parte pas avant dix heures et demie, beaucoup de gens s’activent déjà sur le quai. Des vendeurs de journaux, des journalistes présents pour l’événement, des agents de la TTC, les ouvriers installant l’estrade pour le discours d’inauguration, prévu à neuf heures et demie. Et surtout, beaucoup d’hommes fortunés, vêtus de l’habituel queue de pie et haut de forme, attendant probablement le départ du train dans lequel ils voyageront vers Anfrasico, la dernière ville atteignable par le train spatial, sur la plus grosse Lune, au bord de l’éther.
Les wagons du train sont déjà présents sur le quai, mais la locomotive manque encore. Je me demande bien à quoi peut ressembler un engin capable de partir pour l’espace. C’est probablement une machine énorme ! Enfin, je verrais bien tout à l’heure, de toute façon. En tout cas, au bout du quai, je peux voir le chemin de fer s’étendre dans la plaine, avant de s’élever petit à petit vers le ciel, pour finir sa course à la verticale.
Pour le moment, il n’y a pas grand-chose à faire, si ce n’est observer attentivement la gare. Je décide de prendre les journaux. Je ne suis pas dans le journal du jour. Il faut avouer qu’avec la distance entre Elyëterra et Cennepiu, il aurait été difficile de me publier dans la nuit. Je serais probablement dans l’édition de demain matin. Dans le canard local, en tout cas, ils ne parlent que du train ou presque. Une interview du président de la TTC par ci, les caractéristiques techniques du train par là, les passagers célèbres, etc…
Je n’ai pas vu le temps passer pendant que je lisais le journal. Neuf heures et demie viennent de sonner à l’horloge de la gare. Le discours d’inauguration commence, avec le président de la République en personne, le directeur de la TTC, le ministre des transports, etc… Tout ce beau monde raconte encore une fois la même chose, et tout le monde est pendu à leurs lèvres comme des ours devant une ruche. Je détourne le regard vers le quai. La locomotive est arrivée. C’est vraiment une machine énorme ! Elle fait la longueur de tous les wagons réunis, et semble incroyablement massive, toute d’acier verdi. La cheminée souffle déjà des volutes de fumée noire au milieu de la gare. Je m’approche d’un machiniste présent sur le quai et engage la conversation.
-Bonjour monsieur. Vous êtes bien le machiniste de ce train ? -Oui, l’un des dix, parce qu’une machine pareille demande du personnel, vous savez. Elle engloutit des tonnes et des tonnes de charbon. -Ah oui ? D’ailleurs, quel est son poids ? -Euh, je me suis pas posé la question, mais je crois que la locomotive fait dans les 4000 tonnes. Vous comprenez que c’est bien difficile de gérer un engin pareil. Le pire, c’est le freinage, quand on est de nouveau attiré par la gravité, le train accélère bien vite, et on doit s’y mettre pour freiner ce monstre roulant. -C’est donc un métier difficile que le vôtre ? -Les machinistes n’ont jamais été réputés pour avoir un travail facile… Enfin, nous en plus on encaisse les fortes accélérations dues au décollage et à l’atterrissage. C’est pas un métier qu’on fait par envie. -Bien, merci monsieur ! -Pas de quoi, mon gars !
Mais voilà que dix heures approchent. Je présente mon billet à l’hôtesse, qui me conduit à ma place, dans un petit fauteuil bien confortable, à côté de la vitre. J’attache ma ceinture afin de ne pas être projeté lors du démarrage, et je suis maintenant prêt à profiter du spectacle. En route pour Anfrasico !
- Participation 2:
Le Chant des Nuages
[…]
Le passé me travaille depuis des nuits. Je revois les évènements de notre triste histoire, vécus ou contés, vérifiés ou gobés. La guerre Colombienne, lorsque le navigateur éponyme façonna un royaume d’outre-mer et entreprit de dévaster l’Europe à l’aide de ses hordes cannibales. La victoire de nos forces après la Terreur, délivrées par l’alliance inopinée entre Tartares et Mongols. Puis la conquête par le feu du continent sauvage, dix ans plus tard. Le grand séisme, après cent ans sans vagues, qui sépara les Amériques et fit de leur centre un amas d’îles dépareillées que nous nommerions ultérieurement l’Archipel du Silence. Puis, alors que mon père était pupille, la dévastation des Cent Guerres, durant lesquelles la totalité des forces mongoles furent coulées en mer par un bombardement japonais. La guerre civile qui faisait simultanément rage en Europe Centrale, opposant classe ouvrière, mafias, et géants économiques, triangle sans autre équilibre que le poids de l’hémoglobine versée. Sans parler du clash entre les deux Amériques, dont l’affrontement fit comme victimes collatérales une partie de la population de l’archipel silencieux. Et alors, quand peu avant ma naissance, tout s’est tassé, la découverte du nucléaire. C’est là que tout bascula. Les hommes, forts de se quereller pour des terres, entreprirent de conquérir les cieux. Ils s’unirent un temps, pour la mise en place de réacteurs anti-gravité et de monumentales plateformes destinées à accueillir les cités célestes. La première fut élevée au-dessus des ruines encore fumantes de l’archipel, sur lequel on eut ancré le monstrueux réacteur. Puis d’autres suivirent, surplombant le Fuji-Yama, dont l’ardeur amplifiait la force thermique de la machine, dans les cieux du désert australien s’envola la plus grande, flirtant avec les glaces et les aurores boréales de Svalbard la plus mystérieuse, et même, ombrage au-dessus de Paris, l’une que l’on disait accessible sans navette grâce à une fine tour et un ascenseur. Il y en a avait temps… et il y en a aujourd’hui plus encore. Mais les forces politiques et économiques n’ont jamais eu et n’auront en aucun temps une notion solide de l’entente et de l’amitié. Elles ne tardèrent pas à se disputer ces villes, et la guerre recommença, pour la domination de ce que les hommes avaient eu la prétention et la folie d’appeler le « Nouveau Monde ».
Pour ma part, esprit d’homme lassé des machines volantes, du grabuge, des célébrités malaimées, je me laisse divaguer. Mes rêves m’éloignent des plateformes et des civilisations, pour m’égarer au sein des vols d’oiseaux. Comme il date, le dernier jour auquel j’ai entraperçu une mouette, un rouge-gorge ou une perdrix ailleurs qu’en photographie ou peinture… Ici, je ne vole qu’auprès d’un simple pigeon blanc, mais la joie que m’inspire sa vue le hisse à la hauteur et la grâce des colombes. Seulement alors, son plumage de neige flétrit et verdit. L’air s’emplit d’une odeur fétide que dégagent ses orbites noires et vides grouillantes des affres de la mort, et, quand il ouvre son bec, le cri strident sonne comme l’horripilant vomi de sa terreur, qui m’enveloppe et me submerge entièrement.
Je m’éveille en sursaut et en sueur, fiévreux, dans la cabine boisée de ma base perchée, empli de tout mon être par une certitude inébranlable : il faut rendre le ciel aux oiseaux.
[…]
Les débuts de rides sur mes doigts agrippent la rambarde de chêne. Mes yeux, aidés par une paire de lunettes corrigeant une myopie douce, savourent le doux paysage des nuages, ici juchés autour de ma base de Boisenciel, mon repaire, mon chez-moi. De cette immense baie vitrée, l’ont pourrait oublier que quelques centaines de mètres au dessus de nous se trouve une surface à laquelle les fondations s’agrippent solidement. Depuis toutes ces années, depuis le Rêve, je suis resté fixé sur mon but : rendre à César ce qui est à César. Ce qui lui est dû et non ce qu’il s’est approprié. Les fils électriques, les toits et les tours ne sont pas aux créatures à plumes. On les y tolère tout au plus. Mais le ciel, le ciel est leur royaume, et nulle conquête, nul argument ne devrait le leur ravir.
Pour me faire entendre, j’ai au départ manifesté. Pancartes et hourras allant, sermons cinglants et slogans chantant. J’étais seul, bien entendu. Les gens n’ont cure des pigeons. Il n’y a que Ned Harris, le fou solitaire frôlant la quarantaine que je suis, pour s’en soucier. Les passants les plus bienveillants m’offrent des sourires gênés. Les plus hautains les troquent contre des rictus condescendants. Le commun m’ignore, les colériques m’enseignent des jurons nouveaux et me remémorent les anciens. Un jour, des jeunes à l’allure peu entraînante, voire fort déplaisante, sont allés jusqu’à me lancer des graines, pour « regarder si j’irais picorer et voler avec mes amis poseurs de fientes ». Ils étaient partis et je restais encore dépité, pancarte ballante, au milieu de la rue, jusqu’à ce qu’un petit bruit me ramène à la réalité. Petit bruit pour petite chose. Baissant les yeux, j’aperçus une fillette en haillons, de onze ou douze ans seulement, qui ramassait les graines. Comme elle se redressait, elle piocha de sa main gauche dans sa main droite où siégeaient les incommodes victuailles, puis en mis quelques unes à la bouche, qu’elle goba, l’œil rieur, avant de m’affirmer : « Tu sais, ce n’est pas si mauvais ! » J’ai plus tard béni ce jour, car j’ai ramené avec moi la petite, une orpheline du nom de Meadows Waltz. J’obtins ainsi la première adepte de ma cause, mais surtout, le temps me le ferait comprendre, j’avais en cet instant trouvé la fille que je n’aurais jamais eue…
[…]
Je déambule dans la salle de détente de Boisenciel. Ma rébellion est en marche, j’ai désormais la possibilité de porter un gros coup au Nouveau Monde. Mais encore faut-il m’en convaincre moi-même. Ma motivation s’ébranle de temps à autres, car j’ai désormais autre chose à protéger. Mais alors revient me visiter en rêve le pigeon vert crachant sa peur, et je me réveille plus déterminé que jamais. Des pas se font entendre sur le plancher derrière moi, et une jeune fille de dix-neuf ans, ma Meadows, pénètre dans la pièce. « Ned, ce gringalet de Wet veut te voir, il dis que son travail avance. » J’acquiesce d’un hochement de tête. Wet… du haut de ses quinze ans, que ma fille traite de gringalet mais que le commun surnomme Dynamite, de part sa tendance à faire exploser toute chose. Je l’ai ramassé, en haillons aussi, et orphelin cela va sans dire, sur l’Archipel du Silence. L’on eu cru qu’être originaire de cette terre innocente maintes fois dévastée lui ait inculqué un profond dégoût pour les conflits et les engins explosifs, mais non. Mécanicien dans l’âme, il prenait un plaisir incroyable a monter des engins volant, capables d’exploser ou de brûler. Sans l’ombre d’un vice toutefois. C’est un garçon gentil qui ne souhaite de mal à personne, il ne s’extasie que devant la beauté des étincelles, la grâce de la fumée… Je me met en marche vers son atelier, qui autrefois fut le mien. Meadows déjà s’en est allé. Elle-même surnommée la Tempête, elle a pris une part active dans notre rébellion. Je n’ai pas nommé de grades car la hiérarchie est source de conflits, mais les gens le font d’eux même, et la considèrent comme ma seconde. Tant mieux, cela signifie qu’ils la suivront continuer ce que j’ai commencé, dans le cas où quelque chose m’arriverait. Arrivé au plus profond de la base, je me glisse dans l’atelier. Le gamin se lève d’un point, retire avec ferveur ses lunettes de protection, et, une soudeuse toujours en main et branchée, accourt vers moi. « Leader ! Leader ! C’est presque prêt ! Venez voir ! » Je souris. « Pose d’abord cette soudeuse, Wet, tu risque de blesser quelqu’un. » Il rougit légèrement, et s’exécute. Puis revient à la charge. « Regardez ! Le moteur ! » La table est emplie de multiples pièces aux formes saugrenues et de taille variables. « Je ne vois là que des babioles. » Le petit me lance un regard noir. « Vous comprenez rien à la mécanique décidemment, leader ! Des babioles ! Voyez-vous ça ! Le moteur n’est juste pas assemblé ! Ceci fait, placez le sur un avion résistant et vous supplantez en vitesse n’importe quel chasseur de l’armée céleste ! Aux commandes d’un tel bijou, jamais vous… » Je l’ébouriffe en riant. « Je te fais confiance, gamin. Faudrait que t’apprennes à te rendre compte quand on te taquine. Tu peux te reposer pour aujourd’hui si tu veux. L’assemblage des pièces peut attendre demain. »
Je fais volte-face pour regagner une autre partie de la base lorsque Wet m’interpelle. « Leader… comment faire disparaître ça maintenant ? Ces grandes cités ? » Je retourne à côté de lui et le prends par les épaules. Nous nous asseyons. « - Quand j’étais jeune, mon garçon, et que les oiseaux osaient encore arpenter les cieux, il arrivait, parfois, que j’accompagne mon grand-père à la chasse. Alors, quand le vent et la chance nous souriaient, nous ramenions une caille pour le dîner. - Et ? Quel rapport ? - Les plateformes, ce sont des cailles. De bonnes grosses cailles. » Le regard étincelant et la voix légèrement tremblante, le gamin me rétorque alors : « Dans ce cas, il va vous falloir un fusil. Et un bon gros fusil. »
[…]
Le grand jour, enfin. Wet n’a pas menti, ce foutu gamin qui ne vole pas le titre de génie. Pas prétentieux pour un sou, lorsqu’il affirmait la puissance de son moteur. Nous avons traversé les lignes ennemis à une telle vitesse que les chasseurs d’élite adverses semblaient à l’arrêt. Maintenant à l’intérieur du périmètre de sécurité, ils ne pourront pas nous arrêter. Le pilote, un homme meilleur que moi, maintient le bolide en suspens au dessus du réacteur géant. D’autres hommes, munis d’un treuil, hissent en bas une mystérieuse machine d’environ deux tonnes que Wet nomme le « Fusil ». Aucune idée de ce qu’il a pu mettre dedans, mais il affirme que lors de l’explosion, il ne restera du réacteur que de la poussière. Sachant que le-dit réacteur est un monstre blindé de trente cinq mètres de diamètre pour soixante-quinze mètres de haut, je pense qu’il vaudrait mieux pour nous filer très loin sitôt qu’il sera activé. Le treuil laisse lourdement reposer le Fusil près de moi, sur les rondes qui entourent la machine géante. J’ai en tête le code, il ne me reste qu’à l’activer, et le sort en sera jeté. Près de moi, Meadows a l’air anxieuse, elle qui a toujours été si déterminée. Elle me jette un regard plein de doutes. « Ned… tu pense vraiment qu’on doit le faire ? Semer la discorde et la destruction, faire couler le sang des innocents pour rendre le ciel aux oiseaux… c’est injuste. » Je soupire. Elle a raison, c’est injuste. Mais qu’est-ce que la justice, tout compte fait ? « La guerre, la mort, la haine et la violence… l’homme les chérit plus qu’il ne voudra jamais l’admettre. Il pourrait vivre en paix ; en harmonie, s’il le souhaitait. Mais il s’en lasse. Il se lasse du bonheur comme de tout ce qu’il touche ou qu’il obtient. Les oiseaux ne se sont, eux, nullement lassés du ciel. Et ne s’en lasseront jamais. » Elle baisse les yeux. Pensive. Quant à moi, je ne peux me résoudre à faire un acte pour lequel l’un de mes enfants pourrait me haïr. Je concède donc : « Le choix est tiens, ma fille. Tu connais le code aussi bien que moi. Tu peux suivre notre rêve, ou y renoncer, auquel cas nous partirons, avec Wet, vivre tranquillement à Boisenciel. » Elle relève les yeux, où semblent brûler des flammes nouvelles. « - Que veux-tu réellement, avec ta rébellion ? Que va accomplir le fusil ? - Je me contente d’offrir à chacun ce qu’il souhaite au plus profond de lui-même. Aux oiseaux le vent, à l’humanité les tourments. » La Tempête me jauge du regard quelques secondes, puis se tourne vers le Fusil. Ses doigts composent lentement mais surement le code. Le minuteur s’enclenche. Les dés sont jetés.
[…]
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