Un couple. La fille est belle, le gars non. Ils s'embrassent. Je déteste les amoureux. Ils se fouillent la gorge à vous faire vomir. Vomir. Sur ces lèvres féminines bariolées de bleu sombre, sur ces cheveux gominés, sur cet air qu'ils ont dans le regard et dans leur cœur, cet air putride. Mais couleurs que tout cela, avalanche. Et dans le rouge de cette bousculade, je le vois, ce petit être courtaud aux jambes torses, au corps rouge et aux cornes de diablotin. Son rictus pulpeux se retrousse et laisse échapper un rire incontrôlable. Un rire de dément. Je ferme les yeux, je les rouvre, et tout a disparu. Il y a cette croix bleue, qui me fait penser à Matin Brun, la courte nouvelle que m'a fait lire mon prof de français il y a quelques années. Et cette foule, qui gronde, qui gronde. Avec leurs têtes réprobatrices, qu'ils secouent. Ils ouvrent leur gueule pour me mordre, c'est la fin. Je m'imagine en squelette, et aussitôt je vois un miroir qui s'approche. Une jeune femme s'y reflète. Elle mâche un Malabar, négligemment. Son regard est de braise. Son corps est aussi rouge que son âme. Et dans ses bras, ma tête. Ma tête toute en os et en blanc. Un rire lui échappe, et d'un coup de pied ma tête est valdinguée de l'autre côté de la planète. J'en profite pour observer. Je vois ces deux Indiennes qui se tordent de douleur. Je vois cette adolescente qui se dispute avec sa mère. Je vois la pluie, et le désert. Et soudain, ce monde silencieux se réveille, et c'est un brouhaha qui enserre ma tête comme un étau.

« Monsieur ? Respirez... Calmez-vous. Marie, il se réveille ! »

Et j'ouvre les yeux. Cauchemar que tout cela...