Sujet: Il n'y a pas que nous Ven 13 Mai 2011 - 21:51
J'avais à la base écris ce texte pour un projet organisé par mon collège, en association avec le service Jeunesse de la Mairie, (elle-même associée au Conseil général), ayant pour thème notre vision de l'Europe. En premiers temps, des réunions furent organisées, ayant pour but de réunir avec les autres participants tous les éléments se rapportant (plus au moins) au sujet. Et, moi, j'ai écrit ça. Apparemment, c'est une tuerie, enfin, c'est que l'on m'a dit, juste après ma lecture (c'est sûrement parceque c'est moi-même qui l'ai lu). C'est donc plus un court essai, un regard porté sur le thème de l'émmigration. Légèrement philosophique, peut-être, mais ... c'est ma vision des choses. Je vous laisse apprécier ’ ----------
Certaines choses ne vont peut-être tout simplement pas ensemble.
Comme l’huile et l’eau. Le jus d’orange et le dentifrice.
Des notes filandreuses, tenaces, s’accrochent à chaque aspect, à chaque recoin de l’atmosphère ambiante.
Il fait frais. Je suis adossé à ma porte, sur le palier. Je contemple désespérément la cage d’escalier, vide de toutes émotions. Au loin, j’entends les sirènes de police. Mélodie sans fin, presque funèbre. La porte de l’immeuble a dû rester ouverte. Ça expliquerait sans doute ce vent hurlant qui s’engage dans le couloir, ces bouts de … papiers qui voltigent un peu partout sur les marches. Ça fait encore plus sale que d’habitude, mais je n’ai pas envie de descendre fermer la porte. C’est sûr, il s’est passé pas mal de trucs, cette nuit.
Du moins, au point de vue moral. Je vois déjà des insensibles me montrant du doigt. Mais je m’en fiche. Y’a des choses qui ne vont pas, et ma parole ne doit pas rester muette.
Et puis merde. Ce qu’on ne peut pas dire, il faut l’écrire.
Voyons … L’heure devait bien avoisiner des douze coups de minuit. J’habite, enfin, je loge actuellement dans un appartement gracieusement prêté par une connaissance d’un de mes amis (gracieusement, enfin, je trouve qu’elle aurait pu éviter de me faire payer …). L’appartement en question se trouve dans un grand immeuble, vers le centre-ville. Bah, ce n’est pas du luxe, mais c’est toujours bon à prendre.
J’ai des voisins de palier fort sympathiques. J’ai eu l’occasion de discuter quelque peu avec eux. Ils sont originaires de la Turquie, ces deux là. Un père et son fils.
Bon, revenons. Ce soir-là, donc, j’étais tranquillement installé sur un pouf moelleux d’un vert douteux, entrain de rédiger une lettre incendiaire envers un internaute mécontent de mon dernier commentaire sur son site, bref, la routine, quoi.
L’immeuble étant placé là où il est, j’ai désormais l’habitude d’être dérangé en plein milieu de la nuit, à des heures où il me semblait impossible pour quiconque de pouvoir encore faire la fête. Aussi, cette nuit, enfin, ce matin, des bruits dans l’escalier attirèrent mon attention, et me forcèrent à me lever - péniblement, certes - de mon auguste siège, afin d’aller tout de même voir ce qui se tramait. A en juger par ce que je pouvais entendre avec la porte fermée, il y avait plusieurs personnes, deux, voire trois, qui chuchotaient, avec de plus en plus d’insistance. Bon, je suis tout de même d’un naturel curieux … aussi, j’ôtai la chaîne de sécurité de la porte, puis l’ouvrit pour me retrouver nez à nez (en partant du principe qu’il a bien une tête de plus que moi) avec un homme taillé comme une armoire à glace, tout de bleu vêtu, me toisant de (très) haut. Il était accompagné de deux autres de ses coéquipiers policiers (car, oui, c’était des policiers, non autre chose).
Je refermai ma porte derrière moi et remis la chaînette. Là, je pus échanger quelques mots avec les représentants de la justice. Ils ne voulurent rien me dire à propos de leur présence ici. Bon, d’un côté, je les comprends ; ils n’ont pas forcément envie de dire à tous les landas qu’ils croisent ce qu’ils font. Mais je crois que j’ai ma petite idée. Disons que, se présenter au domicile d’une famille étrangère à cette heure-là, y’a pas trente-six solutions. Car oui, ils se sont dirigés à la porte d’à côté. Les murs ne sont pas épais mais, il n’empêche que, je n’ai pas tout entendu de la conversation qu’ils ont tenue. Ils ont toqué à la porte. Apparemment, le père ne devait pas être réveillé ; j’ai entendu le petit leur parler. Puis là, le père a dû se réveiller, à en juger par ses hurlements suite aux explications d’un des policiers. Là, ça à dégénérer. Des cris, des pleurs. Des bruits de lutte, un bruit sourd. Et des pleurs, à nouveau. Le bruit grinçant d’une porte que l’on pousse, des pas lourds descendant les escaliers, suivis des pleurs qui s’estompaient petit à petit, à mesure où ils quittaient l’immeuble. Des portières qui claquent, une sirène qu’on enclenche, une voiture qui démarre, qui s’en va.
Puis le silence. Rien que le silence
J’étais de nouveau assis dans mon pouf, mais contrairement à tout à l’heure, j’avais le regard dans le vague, et un verre de Vodka à la main. J’en avalai une gorgée. Ça avait de quoi plomber le moral. Pas besoin de chercher bien loin. Eux, ils vont être expulsés de la France. Sûrement renvoyés en Turquie. C’est sûr qu’être sans papiers … C’est sûrement le truc habituel. Le père travaille sûrement pour un salaire de misère dans une entreprise non déclarée, au fond d’une rue malsaine … Facile pour la police de trouver tous les renseignements nécessaires en obtenant une perquisition …
Ça me dégoute. Si ils sont venus en France, ces deux là, y’avait bien une raison. Et la justice compte les renvoyer, comme ça ? Alors, certes, c’est sûrement illégal d’être sans papiers en France. Mais … soyons sérieux dix secondes là. Une loi, un texte écrit par des politiciens aigris par le temps a-t-elle vraiment le droit de détruire la vie d’une petite famille comme celle-ci ? A-t-elle le droit de leur ôter le titre de citoyen Français, de se considérer comme Européen ? Et puis d’abord … Ca veut dire quoi, ça, « être européen »? Enfin, c’est quoi au final ? Un titre, une distinction ? Une marque ? Dans ce cas là, pourquoi a-t-on le droit de le supprimer ainsi, juste pour une question de paperasses ?
Et eux, tous ces étrangers renvoyés chez eux, tous ceux qui avaient réussi à se construire une vie ici … Et surtout, mes ex-voisins, un père et son fils … A qui appartiennent-ils vraiment ? Á leur pays d’origine qu’ils ont quitté, renié pour certains, pour une vie meilleure ? Ou à cette Europe qui les a finalement expulsés ? Comment cette famille va-t-elle pouvoir se reconstruire ? Les pauvres pardonnent tout, sauf l’échec.
Lorsqu’un bureaucrate tamponne un avis d’exclusion, il le fait machinalement. Il ne pense pas aux conséquences, aux souffrances que son geste va entraîner. C’est ainsi qu’est construite notre société. Après tout, c’est la même chose des centaines de fois par an. Mais cela nous indiffère. On espère juste, égoïstement, que cela ne nous arrivera jamais. Puis, on oublie, et la vie continue.
Il est 5 h 49 à ma pendule, dans mon appartement de location. Une voiture de police, sirènes hurlantes, s’éloigne. L’aube se lève sur ce pays qui ne pense qu’à lui.
Dans l’œil de certains, certaines choses ne vont peut-être pas ensemble.
Comme l’huile et l’eau. Le jus d’orange et le dentifrice.
Les étrangers et l’Europe.
Dernière édition par Artyflash le Sam 14 Mai 2011 - 16:26, édité 1 fois
Ersaishania
Univers
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Sujet: Re: Il n'y a pas que nous Sam 14 Mai 2011 - 9:03
Quand tu présentes ton texte, évite de faire des fautes de frappe, ça n'en sera que mieux ;D
Bon sinon, en rapport avec ton texte en lui même. Je ne dirai pas que c'est une tuerie parce que cela n'en est pas une, bien au contraire, c'est très poétique et très beau à lire. Un hymne à une réflexion non pas sur la situation des immigrés en France mais plutôt sur la façon dont cet État supposé être une terre de libertés (au fond, la seule liberté accordée c'est de fermer ta gueule quand tu as quelque chose à dire et de l'ouvrir quand d'autres tentent de manifester leur mécontentement pour bâillonner ces cris révolutionnaires) agît pour lutter contre les fondements qui l'ont faîte. Il y a quelques siècles, un grand homme a dit : "Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères" ; et aujourd'hui, cette maxime est bafouée. Bafouant cet homme, ses pairs, son siècle, leurs idées et bafouant le fruit qu'ils ont donné : "Notre" Démocratie.
Arty' tu n'as pas écrit une tuerie, tu as relaté comme beaucoup l'ont fait la réalité dérangeante d'aujourd'hui. Mais rassure-toi, ce texte sera oublié par ceux qui ont organisés ce concours. Comme par le passé, la Lumière ne viendra pas des institutions mais des gens qui veulent changer ces dernières. Quoi qu'il en soit, je tiens à te féliciter pour cet écrit =D
Arty'
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Sujet: Re: Il n'y a pas que nous Sam 14 Mai 2011 - 16:35
Merci pour ton appréciation, enfin, même plutôt ton argumentation.
Déjà, les fautes de frappes ... Bon, encore, je n'en avais fait que deux, pour une fois. C'est une vraie manie avec moi, j'écris beaucoup trop vite, et au final, le clavier devient fou ... et je me retrouve avec des assemblages grotesques de lettres ... Et j'avoue ne pas vérfier tout le temps. Bref, je les ai corrigées.
Avec du recul, il est vrai que le mot "tuerie" n'est pas adapté. Enfin, ceci dit, ce n'était qu'un commentaire parmis d'autres, à la suite de ma lecture.
Et, hmm, pour terminer ... Bah, je ne peux qu'approuver tes idées, surtout que se sont les même que les miennes. Puis ... Je ne peux pas dire grand chose d'autre, en partant du principe que le reste serait une auto-critique élogieuse de ce texte Mais merci d'avoir pris la peine de lire.