Je ne vais pas laisser Nusenism seul dans ses contrées éloignées. J'écris également, peu, certes, mais je suis persuadé que j'arriverais à faire quelque chose de pas trop mauvais si je m'y lançais un peu.
Je suis loin du fantastique de Nus', je cultive généralement des choses un peu plus glauques. Y'a pas grande matière à lire actuellement ... J'espère trouver l'inspiration et la motivation pour continuer._________________________________________
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- Bien maintenant on ferme tous sa bouche et on ouvre grand ses oreilles, je veux que celle-là soit terminée dans la soirée on est d’accord ? Allez hop hop hop, on se bouge ses fesses, on n’a pas toute la nuit, s’il-vous-plaît !
Ni une ni deux, le décor est planté : quelques accessoiristes ajustent les meubles, l’éclairagiste prend soin de laisser allumer la petite lampe de chevet, le preneur de son n’est pas là parce que c’est de toutes façons une scène muette. Ou peut-être qu’en fait non, on parle bien dans cette scène mais de toutes façons on s’en fiche, on s’en fiche parce que personne ne regarde et ne regardera jamais. Le réalisateur s’agite, suivit de prêt, traqué par deux petites bonnes femmes, script en main ; il crie, il ordonne, roulant les « r » et appuyant es phrases de petits claquements de langue impatients.
- Allez on se bouge, on s’active, Lulu’ tu penseras à l’effet pluie dehors ! Je vous rappelle, on est dans une chambre sous les combles la nuit, la nu-it ! Merde Jean-Pierre, qu’est-ce que tu fous là, ça va pas ça …
On s’active ici comme dans une fourmilière, une fourmilière entière dans à peine un dé à coudre ; on se sert on se frotte, il fait chaud il fait humide, l’air colle à la peau et la peau colle aux vêtements. Une petite caméra sur trépied est posée là, face à Elle, et à peine s’aperçoit-on qu’Elle est là que l’éclairagiste et les accessoiristes et Lulu’ et Jean-Pierre et toute l’équipe ne sont plus là, sûrement dehors car tient oh, il pleut tout d’un coup, les effets spéciaux sûrement.
Le réalisateur l’a vu, il La regarde derrière ses petites lunettes rondes, ou peut-être n’a-t-il pas de lunettes, parce qu’Elle ne le voit presque plus, l’éclairagiste lui aussi n’est plus là, seule demeure la petite lampe de chevet à la lumière grisâtre. Les couleurs chaudes de la pièce ont fondu, et alors que sa vision grésille, Elle se voit, Elle se voit dans les yeux du réalisateur qui lui la voit à travers l’œil mécanique du petit caméscope. Elle est nue, nue devant le réalisateur qui détaille, fait rouler ses yeux sur Elle. Elle en frissonne de froid ou encore de peur, d’excitation même, après tout un homme la regarde Elle, Elle, nue, lui habillé, Elle nue lui habillé.
- Hop hop hop, on fait ça vite fait, tu sais, ça ne sera pas long, ça saigne juste un peu puis ça devient agréable après.
Sa voix est devenue grave, plus grave, grave mais aiguë aussi, peut-être a t-il en réalité deux voix, Elle ne sait pas, Elle attend les ordres. Le réalisateur appuie sur un bouton du caméscope, ou alors s’est-il allumé seul, puisque maintenant il n’y a plus de réalisateur, le monde n’est pour Elle que le petit halo dessiné par la torche de la caméra, un simple ovale lumineux dans le noir. Le petit clignotant rouge s’anime, alors Elle s’approche, dévoilant un peu plus précisément sa nudité à la caméra, qui fixe droit devant elle, inlassablement dressée sur son grand pied solide. Elle s’expose, Elle se montre, Elle joue un peu aussi, avec qui elle ne le sait pas, mais Elle aime ça. Puis finalement, elle se baisse et ramasse au sol le petit éclat de miroir, Elle tend son bras. Et Elle coupe, coupe, coupe, ça pique, ça brûle, ça chatouille à certains endroits, et finalement Elle tend son bras bien droit devant Elle, son bras tout chaud tout rouge, elle palpe du pouce la petite bosse palpitante de vie dans le creux de son bras.
Ça jaillit en de longs jets chauds, ça l’asperge. Le monde perd son noir et devient blanc, blanc, blanc …
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Quand April émergea enfin, la première chose à laquelle elle pensa c'était qu'elle se sentait mal. Comme si elle avait la tête pressée dans un étau de mousse qui s'amusait à se resserrer petit à petit. La deuxième, c'est qu'elle avait faim. La troisième, c'est que le soleil ne savait plus trop ce qu'il faisait - c'était un peu comme s'il avait reculé dans le ciel ... Non, même, il AVAIT reculé. La quatrième, c'est qu'elle avait envie -et, pardonnez l'expression- de pisser comme une baleine.
Elle essaya de se relever, mais se déroba finalement sous son poids, ses bras trop désarticulés pour arriver à la porter. Elle retomba mollement sur son matelas, sur lequel elle se rendormit comme une masse.
Ce n'est que quelques minutes plus tard, alors que son cerveau tentait de lui chuchoter depuis plusieurs secondes que, "April, réveille toi merde, tu mouilles un peu trop là" (ou quelque chose comme ça, soyons d'accord : il était déjà dur pour elle de se souvenir clairement de ce réveil quelques heures plus tard, alors imaginez un peu pour moi) que dynamisée par on ne saura quelle drogue cérébrale elle releva la tête d'un coup, le regard barré par ses longs cheveux noirs emmêlés. Alors qu'elle roulait pour se placer sur le bord du lit, l'odeur, la poisse et la chaleur émanant de la partie inférieur de son corps lui indiqua clairement que, oui, à aujourd'hui 15 ans, elle avait pissé au lit.
Elle repoussa en arrière ses cheveux, puis les yeux mi-clôt, écrasés par le poids d'un sommeil artificiel beaucoup trop long, elle concentra le peu de vitalité qu'elle avait en elle dans ses jambes et s'élança, reprenant un équilibre chancelant. Elle ne portait qu'une culotte (trempée) et un trop long T-shirt noir appartenant à son père (trempé), et son bras droit lui faisait mal : à considérer la grosse pliure rouge dans le creux de son coude, elle avait du dormir dans une de ses positions dont l'inconfort se faisait clairement ressentir au réveil.
Maintenant soulagée à ses dépends de la désagréable pression sur sa vessie, elle commença enfin à retrouver des idées à peu près clair et à considérer l'état de sa chambre : l'air empestait une fumée aigre alors que traînaient sur le sol une bouteille transparente vide (dont l'étiquette VOD- était à moitié arrachée), quelques paquets cartonnés rouge et blanc, et à quelques choses près l'intégralité de sa penderie, soigneusement chiffonnée et éparpillée (la penderie quant à elle se voyait dépossédée de sa porte). Sous un gilet elle trouva son ordinateur portable couvert de diverses traces à l'odeur alcoolisée, et nota que l'écran était d'ailleurs fissuré.
Rien de bien conséquent en somme.
D'un mouvement de main elle dégagea les petites boîtes cartonnées et les petites pastilles blanches recouvrant sa table de nuit et son réveil, et alors elle comprit : elle regarda l'heure affichée sur son réveil et elle comprit pourquoi le soleil n'était pas à sa place. Elle n'avait pas simplement fait une petite sieste, mais elle avait en plus de ça dormi toute la journée.
Son entre-jambe fourmillait bizarrement; aussi, décrétant qu'une longue douche lui ferait le plus grand bien, elle se déshabilla (après tout, une culotte de plus ou de moins sur le sol ... ) et s'engagea dans la petit annexe à sa chambre ou la cabine de douche représentait à elle seule un abandon des plus total.